Pour ce nouveau voyage à travers ces lieux sans vie, je vous invite à vous infiltrer dans un hôtel abandonné en Normandie. Récemment, je vous avais proposé l’exploration d’un hôtel allemand perdu dans la forêt noire. Aujourd’hui, je vous emmène à quelques minutes à pied du vieux port d’Honfleur et de son célèbre bassin ayant inspiré tant de peintres. En effet, le Castel Albertine et son superbe jardin paysager, situés en centre-ville, allient calme et proximité, n’expliquant pas sa fermeture précipitée.
Un lieu prestigieux à l’abandon
Au début du XXème siècle, la bâtisse dénommée « Castel Albertine » fut la maison de la famille Sorel. André Albert Sorel, écrivain et petit-fils de l’historien et académicien Albert Sorel, y vécut plusieurs décennies avant de la vendre. La propriété se transforme alors en hôtel de luxe. Elle devient un établissement renommé où transite les touristes du monde entier souhaitant visiter la célèbre station balnéaire normande.
Malgré une rénovation extérieure dans les années 2000, l’établissement n’arrive plus à répondre aux normes de sécurité. En effet, la municipalité a alerté à multiples reprises les propriétaires en leur demandant de réaliser les travaux nécessaires. Dans l’incapacité de financer la remise aux normes, ils ont laissé le lieu à l’abandon. Immédiatement, une interrogation à laquelle je ne sais répondre me traverse l’esprit : « Pourquoi ne pas l’avoir vendu directement plutôt que de l’abonner ? »
Un établissement ouvert aux quatre vents
Je ne suis jamais à l’aise lorsque je dois infiltrer des lieux en centre-ville. J’ai toujours la crainte d’être repéré. En ce matin ensoleillé, la circulation sur le boulevard est déjà dense. Les véhicules passent à faible allure amplifiant mon état de stress. C’est pourquoi je me force à adopter une posture naturelle pour pousser le grand portail de la demeure condamné par aucun cadenas. Certes, je sais que je pénètre dans cette propriété privée en toute illégalité mais les personnes me voyant ne le savent point. En effet, je me rassure en me disant que je peux être un promoteur, un artisan, une personne tierce entrant avec autorisation. Même si vous imaginez bien que mon look en exploration est aux antipodes de celui d’un agent immobilier.
Un hôtel figé dans le temps
Ce qui me saute aux yeux lorsque je pénètre dans l’établissement, c’est son état de conservation. Les clés sont sur la serrure de la porte d’entrée. Je me pose alors la question suivante : « vais-je tomber sur quelqu’un qui est en train de visiter les lieux ou la propriété est abandonnée avec les clés sur la porte ? » Certaines fenêtres sont ouvertes, une d’entre elles a été cassée par un projectile. Après être passé par la réception, j’arrive dans la grande salle du rez-de-chaussée. C’est ici que les clients prenaient leurs repas. Toute la vaisselle est encore présente, rangées sur la table servant de buffet pour le petit déjeuner.
Le vent s’engouffre par intermittence dans la bâtisse entraînant un sifflement aigu à chaque bourrasque. Le claquement des fenêtres résonnent dans tout le bâtiment. Je sursaute à chaque bruit sourd. Les rideaux volent délicatement pour retomber au-dessus des tables. A l’intérieur, au premier regard, il est difficile de se rendre compte que le Castel Albertine est un hôtel abandonné. En outre, rien n’a bougé, à part l’électroménager qui semble avoir été emporté pour être surement revendu. A la réception, les ordinateurs ont disparu, les plantes sont fanées. Le carnet de réservation indique des chambres occupées jusqu’au début de l’année 2011.
A l’étage, un couloir délivre une rangée de chambrées dans une décoration désuète et dépassée. Je suis surpris par leur très bon état de conservation. En effet, il n’y a pratiquement aucune différence entre les chambres dans lesquelles je me trouve et celles qui apparaissent sur les photographies des sites de réservation sur internet. L’avantage est que je peux choisir directement la chambre qui me plait le plus. Cependant, l’intérêt photographique devient moins intéressant, j’ai l’impression d’être un agent immobilier en train de préparer une annonce pour la vente du bien.
Une réhabilitation pour une nouvelle vie
Après ma visite en 2016, de nombreuses photographies de cet hôtel abandonné en Normandie vont apparaître sur les groupes et forums d’explorateurs. L’état de dégradation s’accélérera avec ces visites successives. L’établissement devient alors rapidement la nouvelle attraction à la mode. Certains prennent leurs quartiers et le lieu est squatté. Très vite, des clichés montrent des pièces retournées, saccagées et taguées. Je ne reconnais plus la bâtisse que j’ai visité quelques mois plus tôt. En août 2018, un violent incendie ravage l’un des bâtiments annexes au niveau de ses étages supérieurs.
La ville se positionne alors pour racheter le domaine. Elle réfléchit au devenir du site avec la volonté de ne pas dégrader le parc et la configuration des lieux. En effet, son objectif est de préserver la maison d’André Albert Sorel, en créant un parc arboré le long de la rivière. Plusieurs projets sont évoqués par la mairie comme la création d’un centre de formation aux métiers de l’hôtellerie ou l’ouverture d’un foyer de jeunes travailleurs pour faire face aux difficultés de logement des saisonniers.
Finalement, c’est l’offre d’un investisseur privé qui sera retenue raflant l’achat de cet hôtel abandonné en Normandie. Un restaurateur honfleurais rachète l’établissement et décide de laisser le bien dans sa configuration initiale, avec le parc à l’arrière de la propriété. En 2024, un nouvel hôtel avec son spa s’apprête à ouvrir et à faire revivre le Castel Albertine d’Honfleur.